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02 juillet 2025

[Et si la France choisissait la concertation plutôt que le conflit ?]

Un monde sous tension, une France à la croisée des chemins.

Le monde semble s’embraser. Ukraine, Proche-Orient, Afrique des Grands Lacs, tensions indo-pakistanaises… Autant de foyers de conflits où la logique du rapport de force s’impose comme seul langage possible. Le dialogue diplomatique peine à contenir la déflagration, et la concertation — pourtant fondement de toute paix durable — apparaît trop souvent comme un luxe ou une faiblesse.

Mais devons-nous, en France, reproduire ces logiques sur notre propre sol ? Réforme et conclave des retraites. Moratoire sur les EnR en question. Culture du bashing au moindre sujet. Ne pourrions-nous pas choisir une autre voie, celle d’une société où la confrontation ne débouche pas systématiquement sur le clivage, mais sur l’échange structuré ? Une société qui redonne ses lettres de noblesse à la concertation, non comme outil de façade, mais comme levier profond de transformation sociale.

La France, pays de débat… mais pas encore de culture de la concertation.

En France, nous débattons, nous manifestons, nous nous opposons. Ce goût du conflit — parfois stylisé, parfois frontal — fait partie de notre ADN politique. Mais trop souvent, le rapport de force y tient lieu de méthode. Les réformes se font “à l’arraché”, les colères explosent, les oppositions s’institutionnalisent. Chacun campe sur sa légitimité, oubliant que la démocratie ne vit pas seulement de l’expression des désaccords, mais de leur dépassement.

Or, la concertation ne signifie pas l’oubli du conflit — elle en est la mise en forme civilisée, l’art de le rendre fécond. Comme l’écrivait Karl Marx dans le Manifeste du Parti communiste :

« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours, c’est l’histoire des luttes de classes. » Mais ces luttes peuvent-elles seulement se résoudre dans l’affrontement ? Ne peuvent-elles pas, au contraire, se sublimer par l’organisation collective, la médiation, l’argumentation partagée — autrement dit, par le cadre ?

Le rapport de force comme impasse, la concertation comme levier.

Le rapport de force fige les positions. La concertation les transforme. Il ne s’agit pas d’idéaliser le consensus, mais de redonner sa place à l’écoute active, à l’ajustement mutuel, au compromis.

« Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre. » écrivait Roland Barthes dans Fragments d’un discours amoureux (1977).

Il ne va donc jamais sans contact, sans friction. La concertation exige ce frottement, sans lequel le politique reste un théâtre creux.

En entreprise, dans la vie politique, dans les quartiers, dans les écoles, partout où il y a du lien social, il peut y avoir concertation. Encore faut-il en posséder la culture — une culture qui ne tombe pas du ciel. Elle s’apprend, elle se transmet, elle se pratique. Et pour cela, elle doit être soutenue, institutionnalisée, valorisée.

Apprendre à se parler : une révolution douce à portée de main.

Et si l’on formait dès le plus jeune âge aux outils du dialogue ? Si les institutions locales intégraient systématiquement des dispositifs de médiation, de délibération citoyenne, d’écoute collective ? Si les syndicats, les élus, les mouvements citoyens renouaient avec cette vertu stratégique qu’est la négociation bien menée ? La concertation ne tue pas le politique — elle le raffine.

« Le pouvoir naît lorsque les hommes agissent de concert. » écrivait Hannah Arendt dans La Crise de la culture (1961).

Non quand ils s’annulent, mais quand ils articulent leurs différences. C’est dans cette tension constructive que peut naître une société plus apaisée — non pas immobile, mais capable de résoudre ses contradictions autrement que par la force ou le rejet. Une société qui ne renonce ni à ses idéaux, ni à sa complexité.

Une société concertée est une société plus forte.

Il ne s’agit pas de nier les rapports de force — ils existeront toujours. Mais il s’agit de ne pas en faire un modèle. La démocratie est l’art de réguler les conflits, non de les enflammer. Il suffirait que la France fasse de la concertation un réflexe — non un pis-aller — pour retrouver une forme de puissance collective, paisible, lucide, durable.

Concertons-nous. Non par faiblesse, mais par exigence. Non pour éviter le réel, mais pour mieux le transformer. C’est peut-être là, aujourd’hui, le plus grand défi démocratique — et le plus beau.

Face à la fatigue démocratique, nous faisons le choix de l’action concrète. Demopolis Concertation porte, depuis trois ans, une conviction simple : le renouveau démocratique ne viendra pas d’en haut, mais de celles et ceux qui rendent le débat possible, partout sur le terrain.

 

Par David HEINRY, président et associé de Demopolis Concertation.